18 septembre 2013

Cartes et Territoires sculptés

"On m’assure qu’il est des gens qui ne s’intéressent pas aux cartes,
mais j’ai quelque peine à le croire."
Robert Louis Stevenson , dans Essais sur l'Art et la Fiction


Saint-Omer (Pas-de-Calais). Vue générale. Photo RMN - René-Gabriel Ojéda
 
Making-of de l'exposition « La France en relief » au Grand-Palais par la Maison de l'histoire de France (2012), présentant les plans-reliefs de la collection des Invalides. De manière permanente, vous pouvez en découvrir aussi au Palais des Beaux-Arts de Lille.
"Les Plans-Reliefs sont des maquettes au 1/600ème des villes fortifiées par Vauban, situées aux frontières de l’ancien royaume de France. Ils offrent une représentation très précise et évocatrice de ces villes sous l’Ancien Régime : d’un grand intérêt documentaire pour la connaissance du tissu urbain, des monuments et des fortifications, ils montrent aussi les faubourgs et la campagne environnante sur une étendue parfois importante."Extrait de la présentation sur le site du Palais des Beaux-Arts de Lille.



Inspiré par la lecture de "La Carte et le Territoire" (2010), un roman de Michel Houellebecq, cet article réunit de manière non exhaustive quelques plasticiens -connus et moins connus- qui ont travaillé autour de ces thématiques. Le roman décrit le parcours biographique et créatif de Jed Martin, un artiste français fictif, dont l'auteur dissèque entre autres le parcours créatif, période après période.
..."Peu après sa sortie des Beaux-arts, il commence la série de photographies des cartes "Michelin Régions" et "Michelin Départements". Il en réalise un peu plus de huit cents. Il participe à une exposition collective - Restons Courtois - organisée par la Fondation d'entreprise Ricard où il expose une photo d'une partie de la carte Michelin de la Creuse. Ce qui lance surtout Jed Martin, c'est sa première exposition solo La carte est plus intéressante que le territoire à la Fondation Michelin pour l'art contemporain."... Extrait de l'article de Wikipédia.
Ce titre renvoie à la formule "La carte n'est pas le territoire", énoncée par Alfred Korzybski (1879-1950) lorsqu'il évoque la question de notre propre perception du monde; thème passionnant et qui est sans doute l'enjeu du parcours de beaucoup d'artistes, mais cependant trop ambitieux pour être traité dans ce cadre.



Myriam Héquet, "En Toile" (2005); vue générale et détail; colle, impression sur papier, coton, figurines en matière plastique. Photos de l'artiste.

Dans un esprit similaire, les cartes suspendues de l'artiste tunisienne Nadia Kaabi-Linke ; lire l'article Mémoire, histoire, point de vue (Biennale de Sharjah 2) sur le blog Amateur d'Art.

"My view on under standing over views"(2009); fragments de peinture murale, fils de soie.




Olivia Mortier, "Vlag" ("Drapeau" , 2012); porcelaine, plâtre, acier; vue générale et détail; participation à l'exposition des Master de l'ArBA-ESA, Dexia Art Center, juin 2012. Photo JFD.


"Faire des cartes de France repose sur un jeu de mots amusant et pervers. Comme le rappelle Nicolas Surlapierre dans le guide des collections du LaM, l’expression servait, durant l’Ancien Régime, de litote pour évoquer les premières pollutions nocturnes du souverain qui assuraient ainsi au pouvoir son avenir." Extrait du dossier pédagogique réalisé par le LaM (Lille Métropole Musée d'art moderne, d'art contemporain et d'art brut) à propos de l'installation de l’œuvre d'Annette Messager "Faire des cartes de France"; morceaux de peluches, cordes, fils et pointes. Acquisition réalisée en 2006 avec le soutien du Fonds Régional d’Acquisition pour les Musées (État / Conseil régional Nord-Pas-de-Calais) . Crédits photo : Photo : P. Bernard / Adagp, Paris 2013.


 
Marcela Armas, "I-Machinarius" (2008). Chaîne et engrenages, moteur, système de lubrification, huile, réservoir. Cette machine dessine la carte renversée de Mexico.
Voir : Marcela Armas : viva Mexico
 

Mona Hatoum, Map (détail) (1999). Billes en verre, dimensions variables. 
Photo Christian Mosar. 
Mona Hatoum déclinera la carte à de nombreuses reprises dans son œuvre : "Continental Drive" (2000), la dérive des continents en miroirs; Afghan, red and black (2008), le tapis "cartographiquement" usé; Map, illustré ci dessus; Suspendu (2009), une série de balançoires aux assises gravées de divers plans et cartes.


Tony Cragg: "Britain Seen From the North" (1981) . Déchets de plastique. © Tony Cragg











Vik Muniz  :"WWW (World Map), Pictures of Junk" (2008). Photographie. Dimension : triptyque de 149 x 102 cm (chaque panneau). Sur le site (photo et commentaire) : http://www.collectionsocietegenerale.com/
Les photographies de Vik Muniz nous apparaissent comme celles d'un prestidigitateur ou d'un virtuose, dont les manipulations semblent à première vue ne pas s'apparenter à la photographie. Vik Muniz s’est acquis une reconnaissance internationale pour les œuvres photographiques qu’il crée à partir de matériaux du quotidien – fil à coudre, confiture, chocolat, ketchup, poussière, jouets, etc. Ces images, inspirées de l’actualité, de l’histoire de l’art ou de personnages célèbres, sont à la fois familières et énigmatiques. Se présentant d’abord en tant que propositions visuelles pleines d’esprit, les œuvres de Muniz interrogent la manière dont l’information visuelle est construite, présentée puis perçue par le spectateur.


L'exposition "Mapping" au Museum of Modern Art (MOMA) de New-York (1994) reste une référence sur ce thème. Voir la présentation succincte sur le site du MoMA.
Sur le thème lire Cartographie et art contemporain, support de dénonciation, de mémoire et de fiction (2011), thèse de maitrise de Émilie Grossière, se référant à l'exposition.
Extrait de l'introduction citant "Mapping":
Si les écrivains ne se lassent pas de créer des mondes lointains, les artistes plasticiens eux aussi aiment à jouer avec les possibilités des cartes. Robert Storr, commissaire de l’exposition Mapping au Museum of Modern Art (MOMA) de New-York en 1994, nous disait déjà que la carte offrait aux artistes tant métaphoriquement, que graphiquement et symboliquement des emblèmes du pouvoir, des royaumes et labyrinthes à explorer, des formes abstraites à manipuler, et des formes pour rêver.
L'auteur évoque également l'importance de la cartographie chez les artistes du landart, citant entre autres Gilles Tiberghien, La référence dans ce domaine. (Poétique et rhétorique de la carte dans l’art contemporain ou Finis Terrae, imaginaires et imaginations cartographiques)

Citons également "GNS" (Global Navigation System), au palais de Tokyo en 2003. Cette exposition "formule l'hypothèse que la topographie est un enjeu majeur de la création artistique actuelle, et une clé pour la comprendre".

Lire aussi "Singularités cartographiques" de Manola Antonioli.

Les plans-reliefs présentés en début d'article renvoient naturellement à la question de l'échelle, sujet précédemment traité sur notre site : http://acasculpture.blogspot.be/2013/02/sculpteurs-lechelle-oldenburg-koons.html . On y évoquait, parmi d'autres, les travaux de Anne et Patrick Poirier ou des frères Jake et Dinos Chapman.


Ce sujet "carte et territoire" est proposé aux étudiants de l'option sculpture de l'ArBA-ESA comme fil rouge pour l'année 2013-14. En conséquence, cet article devient donc "participatif", et divers apports de références s'ajouteront au fur et à mesure des propositions.

LES STICK CHARTS DES ILES MARSHALL

 "Elles ne constituent cependant pas des cartes marines dans notre acception occidentale. Ces "cartes" très particulières sont constituées de baguettes de bois attachées les unes aux autres ; de petits coquillages étant fixés à leur jointure. Les nœuds-coquillages représentent soit des îles, soit des axes des étoiles ; et les bâtons, des « dungungs », selon les premiers témoignages du Capitaine Winckler qui s’intéressa à ces objets. Ces « dungungs » marquent l’orientation de la houle. En effet, les phénomènes qui permettent d’aider le navigateur à positionner une île qui n’est pas en vue, sont la réfraction et la réflexion des vagues ; celles-ci prenant des directions différentes lorsque la houle touche les côtes. Les stick charts renseignaient les navigateurs sur ce point."
Pour infos complémentaires, voir cette page d'où est extraite cette information : http://detoursdesmondes.typepad.com/dtours_des_mondes/2009/01/stick-charts-marshall-island.html


JENNIFER BRIAL

"Globe terrestre"(2010); épingles en acier à têtes de verre.
25 x 30 cm. Photo site de l'artiste.

"Jennifer Brial approche la géographie en véritable dilettante, au sens le plus noble
du terme, celui de l’amateur éclairé. Passionnée par les cartes et autres figures
de la terre (1), elle compose ainsi des représentations du monde « à sa façon »,
à l’aide des accessoires que le sens commun attribue au géographe : la mappemonde, les cartes IGN et leur signalétique codifiée, ou encore, les épingles à tête de couleur qui pointent un lieu. Leur usage est pour le moins hétérodoxe. Dans Le monde épinglé (2010), un globe terrestre se retrouve couvert d’épingles, signalant l’omniscience de l’explorateur et la fin des territoires inconnus, à l’ère de Google Maps
". Suite sur le site de l'artiste : http://jenniferbrial.com/art/



SHANNON RANKIN

Parmi de nombreux artistes qui plient, découpent et collent des cartes, les travaux de Shannon Rankin; "Adaptation" (détail) (2013), carte de l'Arctique, acrylique, papier; 10 x 10 x 10cm. Voir également ses installations. (merci à Lola)


CATALINA BAUER
"Mapa (oro)". (2012). Sacs en plastique et eau. Mural de 12 x 4 mètres. Réalisé dans le cadre de la IV Biennale d'Art Contemporain de Moscou. Voir le site de l'artiste (y découvrir également des installations végétales, et des installations réalisées avec élastiques).(merci à Lola)


RAMÓN ESPANTALEÓN
 
Ramón Espantaleón est un architecte et designer espagnol. Parmi ses travaux les plus connus, figurent des réalisations en résine qui représentent des villes en relief, et plus particulièrement New-York. Découvrir le modus operandi sur son site à l'onglet "Proceso de trabajo". Ici, le moulage de la carte en terre. (merci à Lola)


MATTHEW PICTON
 
 Matthew Picton s'attache aux composantes de la cartographie des villes; il compose rigoureusement ses plans en papier plié, et se réfère aux données politiques et historiques pour en choisir l'aspect et le traitement. (merci à Lola)


ALFREDO JAAR
"Venezia, Venezia", l'œuvre présentée à la Biennale de Venise 2013 par l'artiste chilien Alfredo Jaar. Ce n'est plus l'eau, mais une maquette géante de la ville qui monte et qui descend dans un bassin ... Préfiguration annoncée d'une fin du monde... de l'art?



Merci à Marjorie.


DIVERS TRAVAUX DANS UNE APPROCHE PLUS GRAPHIQUE
Par exemple ce projet typographique Google Maps par le designer australien Rhett Dashwood. Il a rassemblé un alphabet utilisant des vues aériennes de différents lieux trouvés dans la région de Victoria (Australie) sur Google Maps.
Et aussi : 
Carola Bravo

LES CARTES HEURISTIQUES ou MINDS MAPS

Une carte heuristique (ou carte cognitive, carte mentale, carte des idées, etc.) ou, dans les pays anglo-saxons et usuellement, mind map, est un schéma, calqué sur le fonctionnement cérébral, qui permet de représenter visuellement et de suivre le cheminement associatif de la pensée.
Cela permet de mettre en lumière les liens qui existent entre un concept ou une idée, et les informations qui leur sont associées.
La structure même d'une Mind Map est en fait un diagramme qui représente l'organisation des liens sémantiques entre différentes idées ou des liens hiérarchiques entre différents concepts.
À l'inverse du schéma conceptuel (ou « carte conceptuelle », concept map en anglais), les mind maps offrent une représentation arborescente de données imitant ainsi le cheminement et le développement de la pensée. Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Carte_heuristique

Et des tas d'autres cartes qui cadrent votre vie : carte de crédit (les limites de votre fortune?), carte d'identité et de visite, carte génétique, carte de transport, cartes à jouer, carte de restaurant, carte mère, à puces ...


BIBLIOGRAPHIE (à suivre...)

"La Carte et le Territoire" (2010),  Michel Houellebecq (2010) Éditions Flammarion

"Cartes incertaines : Regard critique sur l'espace" Alain Milon (2013) Encre Marine
Souvent envisagée comme un instrument d'orientation et de navigation, la carte sert à nous rassurer dans notre lecture du territoire. Mais qu'adviendrait-il si l'on voyageait avec des cartes qui nous désorientaient ? Les cartes sont nombreuses certes, mais elles n'ont pas toutes les mêmes vertus ! Certaines se contentent de reproduire simplement la réalité, d'autres au contraire l'inventent. Parallèlement aux cartes d'extérieur des géographes-géomètres-arpenteurs, il existe des cartes d'intérieur des cosmographes-peintres-écrivains, tous ceux en fait qui font rêver les lignes à la manière de Michaux...

 LIENS
 http://www.pinterest.com/Stylegenre/cartography/
 http://www.trendhunter.com/slideshow/modified-maps
 http://bigthink.com/blogs/strange-maps
 http://www.davidrumsey.com/
http://www.laviedesidees.fr/Cartes-et-territoires.html