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11 octobre 2011

Georg Baselitz, la taille du peintre

 Baselitz dans son atelier
travaillant sur Dunklung Nachtung  Amung Ding (2009) © Elke Baselitz

Le Musée d’Art moderne de la Ville de Paris organise une exposition consacrée aux sculptures de Georg Baselitz. Cette manifestation proposera une lecture rétrospective d’un des aspects de l’œuvre de cet artiste allemand, d’abord peintre et graveur, en présentant, la quasi-totalité d’une production peu montrée en France qui s’étend sur plus de trente ans. Désormais autonome par rapport à la peinture, la sculpture de Baselitz, qui occupe une place privilégiée au sein de son œuvre, a gagné en monumentalité.

Une quarantaine de sculptures en bois peint exécutées entre 1979 et 2010 montreront le cheminement d’un artiste qui a contribué au renouvellement du langage de la sculpture d’aujourd’hui.
Extrait de la présentation de l'exposition sur le site du Musée d’Art moderne de la Ville de Paris

Baselitz dans son atelier près du lac d’Ammer (Bavière), travaillant sur Volk Ding Zero / Peuple Chose Zéro (2009) © Elke Baselitz
... Souvent, la peinture - car Baselitz est un grand peintre - vient rattraper le coup en masquant les erreurs. Mais elle ne les corrige pas - les problèmes posés par la sculpture ne pouvant être résolus que par des solutions sculptées. Restent l'énergie plus présente dans les scarifications que le geste laisse à la surface que dans la forme elle-même, quelques touches de peinture animant un regard et, comme les deux autoportraits assis (2009) montrés à la fin de l'exposition, quelques belles pièces monumentales - enfin pour un peintre.
Extrait de la critique d'Olivier Cena dans le Télérama 3222 du 12 octobre 2011.

Exposition du 30 septembre 2011 au 26 janvier 2012.

04 mai 2009

Les "Silences" de Marin Karmitz


"Umarła klasa" (La Classe Morte), installation de Tadeusz Kantor;
version exposée à Łódź (PL), 2008. Photo Grzegorz Michałowski

"Silences", une exposition de Marin Karmitz, réalisateur et producteur de cinéma, au Musée d'art moderne et contemporain de Strasbourg. Avec Joseph Kosuth, Chris Marker, Christian Boltanski, On Kawara, Annette Messager, Juan Munoz, Robert Gober, Bruce Nauman, Ilya et Emilia Kabakov, Tadeusz Kantor, Dieter Appelt, Mario Merz, Georg Baselitz, Martial Raysse et Alberto Giacometti.

Présentation de l'exposition :

Marin karmitz : Le hasard d’une rencontre en 2006 avec Fabrice Hergott, alors directeur des musées de Strasbourg, en est à l’origine. Au cours de notre conversation, nous avons évoqué certains mouvements historiques et artistiques qui n’avaient pas fait l’objet – à mes yeux – d’une relecture suffisante, et qui ont pourtant considérablement modifié l’état des lieux en France. Il s’agit d’une part des années 1950, et plus particulièrement de la période 1950-1965, où l’on a vu naître en même temps une nouvelle Constitution, un nouveau journal, L’Express, la Nouvelle Vague dans le cinéma, le Nouveau Roman, le Nouveau Théâtre, celui de Beckett et Ionesco, mais où se sont produits aussi des moments forts dans le domaine de la peinture et de la sculpture. Je considère que les grandes années de Giacometti se situent à cette époque-là. L’autre période décisive est celle qui a suivi 68, de 1968 à 1973 plus précisément. Là encore, on assiste à la création d’un nouveau journal, Libération, à l’émergence de mouvements picturaux comme la Figuration narrative, aux débuts d’artistes tels que Christian Boltanski. Et c’est aussi le moment où l’on voit de nombreux intellectuels – Foucault, Barthes, Deleuze – s’intéresser aux artistes, écrire des préfaces pour des catalogues d’exposition. J’ai donc émis l’idée d’une exposition, qui me paraissait pouvoir être intéressante, sur les rapports que les philosophes et les écrivains ont entretenus avec l’art durant ces deux périodes. Si j’ai accepté d’être le commissaire de ce projet – quoique je n’aime guère le terme –, c’est parce que je voulais prendre mes distances vis-à-vis du cinéma. […]
Extrait d'un entretien à découvrir sur le site de l'expo avec aussi des commentaires, textes, photos, vidéos et tout un programme de visites, conférences et projections : http://www.silences.fr/

"A une analyse historique s'est substituée une réflexion moins didactique. "Un jeu de l'oie... J'ai pensé l'exposition comme un scénario, avec un début et une fin. Et, entre les deux, la possibilité pour le visiteur d'improviser son histoire. C'est aussi un labyrinthe..." Surtout un labyrinthe : parce que Patrick Bouchain a dessiné des espaces aux murs très hauts, clos sur eux-mêmes, entre lesquels le visiteur circule, cherchant l'entrée des salles avec l'impression, accentuée par la faiblesse de l'éclairage, de pénétrer dans une ville abandonnée."
Ensemble de l'article du quotidien le monde : http://www.lemonde.fr/culture/article/2009/05/02/l-art-selon-marin-karmitz-un-champ-de-ruines_1188057_3246.html

Vidéo de présentation de l'exposition sur Arte : http://www.arte.tv/fr/Une-semaine-d-ARTE-Culture/2585044.html

"Silences", du 18 avril au 23 aout 2009, au Musée d'art moderne et contemporain, place Hans-Arp, Strasbourg

27 octobre 2008

La famille sculpture : tant qu'il y aura des formes


"Rumi" (1991), de l'Américain Mark Di Suvero - Photo : Laurent Lecat



Nous reprenons dans son intégralité un article de Télérama publié en marge de la Fiac 2008 : ce n'est pas l'habitude de la maison, mais la peur de voir une synthèse de qualité disparaître des pages accessibles nous a conduit à ce forfait... Ce texte a le grand mérite d'évoquer la notion de "bricolage" chère à Lévi-Stauss... et à notre approche scupturale (structurale).
" {…} Tout le monde sait que l'artiste tient à la fois du savant et du bricoleur: avec des moyens artisanaux, il confectionne un objet matériel qui est en même temps objet de connaissance. Nous avons distingué le savant et le bricoleur par des fonctions inverses que, dans l'ordre instrumental et final, ils assignent à l'événement et à la structure, l'un faisant les événements (…) au moyen de structures, l'autre des structures au moyen d'événements {…}" (in "La pensée sauvage" , 1962).

Imaginons que l'art soit une grande famille, et que cette famille se divise en plusieurs branches - choisissons-en sept pour faire le jeu des sept branches. Il y a les branches anciennes (la peinture et la sculpture, datant de plus de trente mille ans), une branche intermédiaire (la photographie, presque bicentenaire) et les branches récentes (quelques dizaines d'années). Ces dernières se sont multipliées depuis le début du XXe siècle, multiplication qui se révèle avec le temps inversement proportionnelle à la présence de sens. Quoi qu'il en soit, afin de constituer le jeu des sept branches, il a donc fallu élaguer et n'en conserver parmi les plus récentes que quatre : l'art vidéo, l'art conceptuel, l'installation et le bricolage (ce dernier étant le mélange de toutes les branches, une réactualisation du vieux fantasme de l'art total). Il en manque donc (land art, body art, etc.). Du moins en apparence, car beaucoup d'artistes utilisent ces disciplines comme des outils, au même titre que la peinture, la sculpture ou la vidéo. Certains, parmi les plus jeunes, n'ont même plus de discipline privilégiée. Contrairement à Picasso, par exemple, qui utilisa beaucoup de techniques mais reste avant tout un peintre, ils sont tout à la fois et rien en particulier. Ils sont actuels. Ils fabriquent des dispositifs. Ils sont parfois conceptuels, souvent photographes et vidéastes, toujours installateurs, un peu peintres et dessinateurs, très rarement sculpteurs. Ils bricolent. Ils animent. Ce sont les « gentils organisateurs », sinon de l'art, du moins de sa version industrielle : le néo-pop, qui, au-delà des disciplines, des genres et des catégories, cherche à poser sur toutes les branches de la famille, y compris les plus anciennes, ses guirlandes bariolées.


La Sculpture
C'est, avec la peinture, la plus vieille (et de loin) lignée artis-tique : la sculpture date du paléolithique supérieur, plus précisément de l'aurignacien (34 000-30 000 avant notre ère). La plus ancienne connue est un magnifique homme à tête de lion, trouvé en Allemagne en 1939. Apparaîtront ensuite les Vénus du Gravettien (30000-20000) : celle de Willendorf en calcaire peint, celle de Vestonice en terre cuite, celle de Lespugue en ivoire, celle de Savignano en stéatite... Comme la peinture, avec laquelle elle resta longtemps associée, la sculpture a connu des hauts et des bas. Le dernier bas est à la fois récent et comique : quelques théoriciens, enivrés par leurs propres gnoses, ont annoncé à la fin du XXe siècle que la photographie était la forme contemporaine d'une sculpture de toute façon mourante. Or la sculpture vit. Elle vit même très bien en Angleterre où, depuis Henry Moore et Anthony Caro, une grande tradition se perpétue. Très bien aussi aux Etats-Unis sous sa forme abstraite, minimaliste et élégante (David Smith ou Richard Serra). Dans sa version expressionniste, elle prospère en Allemagne (Georg Baselitz, Markus Lüpertz, Stephan Balkenhol). Bref, la sculpture se porte à nouveau comme un charme, qu'elle se présente au sein d'une installation (Louise Bourgeois), comme un produit conceptuel (Jeff Koons) ou qu'elle reste sous une forme plus traditionnelle.

Néo-pop
Comme pour la peinture, la sculpture pop a hérité des ready-mades de Duchamp, de dada et du surréalisme. Il s'agit en général d'un objet quotidien - une boîte d'allumettes, une truelle, enfin, n'importe quoi - dont les dimensions ont été augmentées jusqu'au gigantisme. Ce peut être aussi la multiplication d'un même objet ordinaire, comme les boîtes de lessive Brillo de Warhol. On reconnaît là deux des caractéristiques du kitsch décrit par le sociologue Abraham Moles à la fin des années 60 : le changement d'échelle et l'abondance. Toujours comme en peinture, le pop s'est transformé (à peine) en néo-pop. On peut le constater avec l'artiste australien Ron Mueck qui conçoit des personnages (souvent des bébés) hyperréalistes de taille gigantesque - quelle différence fondamentale y a-t-il entre une pioche hyperréaliste géante de Oldenburg et un bébé hyperréaliste géant de Mueck ? On le voit aussi avec les représentations très réalistes de l'Allemande Katharina Fritsch, qui joue à la fois sur le gigantisme et la miniaturisation, des Français Daniel Dewar et Gregory Gicquel, qui font de la copie d'objets ordinaires, ou avec l'Anglais Marc Quinn, dont les bronzes
peints en blanc empruntent au surréalisme l'aspect inattendu (comme chez le Flamand Jan Fabre) et à l'hyperréalisme américain (George Segal) une certaine
obscénité. Dans ce dernier genre, les deux frères anglais, Jake et Dinos Chapman gardent largement la tête de l'art kistch « poppot » (pour pop potache).

Conceptuelle
Contrairement à la peinture, la sculpture conceptuelle est la plupart du temps figurative et souvent hyperréaliste. Mais le principe est le même : l'artiste conçoit et ne fait rien de ses dix doigts. Lui ou/et sa galerie produi(sen)t - et ça coûte très très cher. Un des aspects sympathiques est alors l'utilisation d'une machine, comme le fait le Français Xavier Veilhan. Un ordinateur prend l'image photographique (un lion, un requin, l'artiste lui-même), la transforme en une image en trois dimensions, la déforme et la transmet à une machine qui la taille dans du bois ou du polystyrène. Une finition en inox recouvert d'une peinture époxy est possible, solution empruntée au maître du genre, l'Américain Jeff Koons. Ce dernier, lui, ne fait qu'établir le bulletin de commande à une entreprise qui réalisera l'objet, souvent géant, histoire de jouer avec le pop art. Si les pionniers de la sculpture conceptuelle (les Américains Robert Morris, Sol Lewitt...) analysaient le concept même de sculpture (horizontalité/verticalité, vide/plein, etc.), les conceptuels actuels, en bons artistes académiques, tout en s'appuyant sur les avant-gardes du début du XXe siècle, font fabriquer le kitsch que la société actuelle réclame. Dans ce genre, les Anglos-Saxons dominent (parmi lesquels l'Anglais Damien Hirst), mais il va falloir compter avec les Chinois (Wang Du, Jing Shijan et autres), dont la puissance de production commence à épater tout le monde - et l'épate, dans le milieu de l'art, est une condition essentielle de la réussite.

Abstraite
La première sculpture abstraite est peut-être l'oeuvre du Roumain Constantin Brancusi (1876-1957), bien qu'il ait toujours refusé cette paternité. Le genre s'est beaucoup développé, comme dans la peinture, durant l'époque moderne, à partir de premières expériences très géométriques. Ses meilleurs interprètes, il les trouve après la Seconde Guerre mondiale en Allemagne, avec Ulrich Rückriem, et surtout aux Etats-Unis, avec les expressionnistes (David Smith, Richard Stankiewicz, Mark Di Suvero) ; puis, dans les années 60, avec le mouvement minimaliste (Carl Andre, Richard Serra, Sol Lewitt, Dan Flavin, Donald Judd), assez proche du mouvement conceptuel au point qu'un artiste pouvait se revendiquer des deux (Lewitt). Cette voie se perpétue avec des artistes comme le Français Bernar Venet, mais elle perd du terrain au profit de l'installation.
Classique
On en parle peu et certains disent même que ce genre est exsangue. Quelques peintres allemands de renom le pratiquent encore, comme Baselitz ou Lüpertz. D'autres l'ont abandonné, comme l'Espagnol Jaume Plensa au début des années 90, pour un travail plus conceptuel sur la lumière et les mots. D'autres encore le développent seuls, sous une forme très singulière, tel l'Italien Giuseppe Penone, avec ses végétaux. Mais il faut toujours se méfier des morts annoncées. C'est lorsque l'on n'accorde plus aucun crédit à une sculpture figurative qui ne serait pas fille du pop qu'apparaissent des artistes comme la Belge Berlinde De Bruyckere et sa représentation violente de corps expressionnistes tronqués, douloureux. Il y a là l'héritage féministe et plastique de Louise Bourgeois, et pourquoi pas quelque chose de baroque qui viendrait du Bernin ou de Puget ?

Olivier Cena
Télérama n° 3066 http://www.telerama.fr/scenes/la-famille-sculpture-tant-qu-il-y-aura-des-formes,35088.php