11 août 2009

Du bon usage de la copie de la sculpture


Sous le titre "La tentation stérile de la reproduction", le quotidien libération nous propose un article de Vincet Noce (31/07/2009) qui nous interpelle à propos du respect de la création de l'artiste. Cet article étant rédigé à propos de l'exposition consacrée à Henri Gaudier-Brzeska par le centre Pompidou, du 24 juin au 14 septembre 2009.http://www.centrepompidou.fr/Pompidou/Manifs.nsf/AllExpositions/7A9C3180B5C9CA7AC12575CB002BB509?OpenDocument&sessionM=2.2.2&L=1


Nous nous permettons de reproduire cet article intégralement au vu de l'intérêt des questions soulevées et du manque d'information quant à son maintien en ligne. http://www.liberation.fr/culture/0101582914-la-tentation-sterile-de-la-reproduction


En présentant pêle-mêle originaux et copies, le musée national d’Art moderne dénature l’intérêt des œuvres.

L’œuvre riche mais fugace d’Henri Gaudier-Brzeska a survécu par un concours de circonstances. Dépressive, sa compagne finit ses jours dans un asile psychiatrique du Gloucestershire. Celui-ci remit les sculptures et dessins qu’elle avait conservés à la Tate Gallery, en pensant qu’ils pouvaient lui être de quelque utilité.
Quelques années plus tard, un attaché conservateur, Jim Ede, a redécouvert ce fonds oublié dans les réserves du musée. Collectionneur lui-même, Jim Ede consacra sa vie à faire connaître l’œuvre du sculpteur. Dans les années 60, il voulut remédier à son absence en France par une série de dons et de transactions au profit du musée d’Orléans et du musée national d’art moderne (Mnam).
C’est cette collection qu’il nous est donné de voir au centre Pompidou. Malheureusement, rien n’a été fait pour éclaircir une image brouillée. Mort si jeune, Gaudier-Brzeska est devenu un mythe, dont Ede s’est emparé à la suite de Pound. Eloquemment intitulée The Savage Messiah, sa biographie a inspiré un film de Ken Russell, tombé dans l’oubli.
Puriste.
Dans sa passion pour mieux faire reconnaître son «prophète», Jim Ede fit entrer au Mnam toute une série de copies, non sans susciter, du reste, des oppositions au sein du comité d’acquisition. Les sculptures authentiques dans l’exposition se comptent sur les doigts d’une main. Il suffit de regarder Maternité, Samson et Dalilah ou Femme assise pour voir à quel point le sculpteur prenait soin à la taille et au polissage du marbre. Le jeune sculpteur était un puriste. Pourtant, au mépris des principes auxquels il se montrait si farouchement attaché, l’exposition ressemble à un magasin de la reproduction. On y trouve de tout, du légitime au scandaleux : des copies en pierre reconstituée (du béton, qui ressemble à de la pierre) ou en herculite (imitant le plâtre), une tête en bronze amputée de son socle, une fonte posthume dont on ne sait rien sinon qu’elle a été tirée en plus de l’édition originale, des surmoulages en bronze, et même un torse en marbre reproduit dans une hideuse matière plastique.
En d’autres circonstances, la plupart de ces pièces seraient considérées comme des copies, voire des faux. Exposer des tirages en résine ou en bronze réalisés à partir d’une statue en marbre ou en albâtre, c’est trahir l’intention de l’artiste.
Le centre Pompidou s’était déjà livré à cette mauvaise action en exposant des surmoulages de sculptures en fer de Gonzalez, réalisés par sa famille après sa mort.
Informe monticule.Par principe, il est indigne de réaliser des reproductions dans un matériau que l’artiste n’a pas choisi. D’une institution aussi importante, on est en droit d’attendre qu’elle accompagne ces présentations de fonds d’atelier d’une réflexion éthique et scientifique. La légèreté est confondante, quand on lit la justification donnée au changement d’un socle, dont Gaudier avait lui-même découpé les facettes, devenu un informe monticule : «On ne sait pas si Gaudier avait accordé une importance particulière au socle de cette sculpture… Sa forme avait-elle de l’importance pour lui ou n’était-elle qu’un simple support ? On peut supposer que le jeune artiste n’aura pas eu le temps de réfléchir à la question.»
Il est rare de voir un artiste ainsi insulté pour justifier la négligence d’un musée.
Le Monde semble moins dérangé par cet aspect de l'exposition (...La présentation actuelle, dans l'ordre chronologique, bien disposée et abondante en travaux rarement montrés,...) et évoque d'avantage l'aspect biographique : http://www.lemonde.fr/culture/article/2009/07/27/henri-gaudier-brzeska-enfin-prophete-en-france_1223145_3246.html
Pour en savoir (un peu) plus sur l'artiste :