Bob VERSCHUEREN en quelques lettres...
Aventure Pour moi, chaque travail doit avoir un parfum d’aventure. Il me faut une part d’incertitude, une chance d’être surpris. Travailler avec les éléments de la nature exclut le risque de tout maîtriser, de s’ennuyer.
Bilatéral La symétrie de la feuille, du corps, a orienté mon travail. Ce n’est donc pas un choix esthétique, c’est un choix imposé par le sujet.
Couleur Chaque végétal crée sa couleur, parfois très fugitive lorsqu’elle s’épanche sur le papier. La seule solution est d’accepter cette dégradation rapide, et de se sentir privilégié d’en être le témoin.
Dimension Un sur un, voilà l’échelle que propose la majorité des travaux. Toutefois, la matière végétale et la peau s’étale, cherchant à bousculer notre perception.
Écriture Le chou rouge développe dans sa matière une calligraphie qui surprend. L’encre mauve qu’il recèle nous confirme que nous sommes au cœur de l’écriture.
Frontière Quelle est la frontière entre notre être et le reste du monde, si ce n’est cette surface sensible qui nous entoure? Le travail tente de faire voir autrement le corps, avec sincérité, sans fard.
Géographie Pour obtenir ce travail du corps en aplat, j’ai eu recours à un procédé proche de la cartographie. Tout comme la terre n’est pas plate, le corps est fait de courbes et contre-courbes. Il s’agit donc pour les deux de trouver les compromis qui rendront possible cette mise à plat.
Hommage Je veux ici rendre hommage à tous ceux et toutes celles qui m’ont aidé à développer ces travaux. Ceux qui m’ont donné accès à des presses, ceux qui m’ont aidé à réaliser les phytogravures, celles qui ont accepté de me servir comme modèles, ceux qui ont assuré l’énorme travail de labo, et tous ceux qui ont porté de l’intérêt pour cette nouvelle approche, et m’ont encouragé à poursuivre.
Itinéraire Mon parcours, que je n’aurais jamais soupçonné il y a trente ans, est pourtant logique. C’est là l’incroyable constat. Chaque artiste est l’acteur d’un travail qui le dépasse totalement.
Juxtaposition Ce procédé est très fréquent dans ma démarche. Mettre les choses côte à côte permet de donner plus d’intensité, et parfois aussi de donner une lecture immédiate de l’action du temps.
Kif-kif Contrairement à ce que pensent beaucoup de gens à mon égard, il n’y a pas de saison privilégiée pour mon travail. L’hiver m’apporte autant que les autres saisons. Si certains végétaux se font alors rares, l’échoppe du marchand de légumes me comble tout autant que l’exubérance des végétaux en été.
Lien Si l’on regarde une feuille, un tronc de hêtre, le lien avec la peau nous saisit d’emblée. Notre appartenance à la nature semble aussitôt une évidence, alors que bien des gens veulent se placer au-dessus de celle-ci. De là vient la dérive écologique qui nous frappe.
Multiple Les apparences sont trompeuses. Les phytogravures ont des allures de multiples, et pourtant, il est impossible dans la plupart des cas d’imprimer plus d’un exemplaire. Ce caractère unitaire s’apparente à merveille avec les choses de la nature, car il est impossible de trouver deux éléments identiques. C’est ce qui fait à mes yeux sa richesse unique.
Newton Tout sur terre est soumis à la loi de la gravité. D’Arcy Thompson est un scientifique autodidacte qui a beaucoup cherché sur l’incidence de cette force sur la genèse des formes dans la nature. C’est en lisant ses écrits que j’ai pensé présenter un sein soumis à la gravitation, en faisant tourner le corps à 360°.
Objectivité Je propose un regard sur la nature sans romantisme, car le romantisme n’est que mensonge par omission.
Partage Je ne peux envisager de faire un travail sans l’objectif de partager mes enthousiasmes avec les autres. Je ne peux pas imaginer qu’il existe des artistes qui ne travaillent que pour eux-mêmes. L’art n’existe que par le regard de l’autre.
Questionnement Le jus de la plante qui s’épanche sur le papier, lors du passage sous la presse, me renvoie à la question de l’éphémère. La couleur fuit, changera de tons. Nous assistons à la déliquescence de la vie.
Rorschach Les empreintes de chou rouge m’ont propulsé dans l’univers des tests de Rorschach. L’évidence de présenter l’envers et l’endroit sur une seule feuille pliée vient de cette rencontre soudaine avec l’univers de la psychanalyse.
Simplicité Complexifier un travail me paraîtrait lui ôter la force de ce qui se rapproche de l’évidence.
Transfert Parcours d’une feuille: l’arbre, mes mains, la presse, le papier, le regardeur. Mais elle habitera la mémoire de tous ceux qui auront vu sa phytogravure. Là réside l’aspect le plus magique.
Utopie Tout le mystère de l’existence en ce monde n’est-il pas déjà écrit dans les nervures d’une feuille?
Vérité Quand j’énonce quelque chose à propos de l’art, je me rends souvent compte que si j’avais dit exactement le contraire, c’eut été aussi juste. Ces petits constats me rendent modeste.
Wagon Chaque nouveau travail se raccroche au précédent, n’est rendu possible que par ceux qui ont précédé. C’est du moins ce que je ressens.
Xerox Mes premiers travaux d’impression furent faits en photocopies. J’imaginais la machine comme un énorme appareil photographique, balourd, un peu stupide.
YeuxPour bien voir les choses, il vaut mieux d’abord les oublier.
Zigzaguer Mon parcours est fait de zigzags. Les installations nécessitent d’avoir une exposition en vue. Entre elles, je profite de ce temps pour explorer d’autres champs: la photographie, la gravure, les sons. À travers chacun de ces chemins, les saisons me donnent des opportunités, et m’en ôtent certaines. Ainsi il me faut parfois attendre l’année suivante pour pouvoir poursuivre une recherche.
Publié à l'occasion de l'exposition de Bob Verschueren au Centre de la Gravure et de l'Image imprimée de la Communauté française de Belgique du 26 septembre au 15 décembre 2002 .
http://www.centredelagravure.be/code/fr/expo_pass_2.asp?pk_id_expo=6
Voir également :
http://www.bobverschueren.net/
http://art-nature-project.ouvaton.org/article.php3?id_article=385